vendredi 16 septembre 2011

Gainsbourg, sur la route du Parnasse ?

 

    "Si nous parlons bien de Serge Gainsbourg, quelqu'un peut-il, s'il vous plaît, me dire comment "Lemon Incest" peut être considérée comme de l'art ? Je suis confuse." C'est la réaction qu'a eu Courtney, une de nos lectrices, après que j'ai posté sur notre page Facebook, la vidéo de "Comic strip" que Serge Gainsbourg chante avec Brigitte Bardot. Inutile de vous dire que j'ai été plus qu'interpellée par ce commentaire car à mes yeux Gainsbourg est un parolier de génie. Evidemment je connais "Lemon Incest", mais ce n'est pas LA chanson que je citerais comme référence dans le répertoire de Gainsbourg. D'abord parce que le texte me dérange, ensuite parce que le clip me met mal à l'aise (il est quand même allé jusqu'à érotiser sa fille) et enfin parce que je ne raffole ni des rythmes des années 80 ni de Gainsbarre. En d'autres termes Gainsbourg provocateur oui ; mais Gainsbarre provocateur non.

    La provocation, une constante chez Gainsbourg qui lui a apporté succès tout comme incompréhension, et admiration tout comme dédain. Si en France, il a réussi à en troubler plus d'un, moi y compris, imaginez outre-atlantique ! La question de Courtney, jeune américaine, n'aurait, par conséquent, pas dû me surprendre. J'aurai dû comprendre que sa perception était différente du simple fait de sa nationalité. Autre élément toujours présent chez Gainsbourg : le jeu sur son image. Si dans ses textes il est provocateur, il l'est d'autant plus dans son attitude. Or notre lectrice étant américaine, plus que les paroles (je ne sais pas si elle comprend le français) elle a dû prêter attention au personnage de Gainsbourg. Oui, car Gainsbourg se met en scène tout comme il met en scène ses chansons. De fait, même sans comprendre les paroles de "Lemon Incest", la vidéo en elle-même fait comprendre de quoi il s'agit. Mais comme je vous l'ai dit, Gainsbarre, provocateur mais de manière trop ostentatoire, non merci. C'est pourquoi je répondrais à Courtney, non "Lemon Incest", ce n'est pas de l'art, du moins c'est mon opinion, je préciserais tout de même que c'est le clip de cette chanson qui vraiment me dérange. Bien sûr les paroles sont tout aussi importantes mais l'impact visuel est tel que je minimiserais presque le sens des paroles.

    Dans la provocation, Gainsbourg est beaucoup plus subtil. Lorsque je dis Gainsbourg, et non Gainsbarre (notez bien!), je parle de l'artiste presque toujours vêtu d'un costume noir, rasé, les cheveux bien rangés, l'air timide et maladroit, qui pour se donner plus d'importance a toujours à la main une cigarette. C'est le Gainsbourg des années 60-70 dont je vous parle.


    Maladresse et timidité, deux caractéristiques que Gainsbourg réussit parfaitement à mettre à profit dans la provocation. Si je devais citer une chanson qui selon moi résume la personnalité de cet artiste je choisirai "Les sucettes" : elle montre ses qualités de parolier, d'interprète ainsi que son goût pour la provocation. La chanson a des airs faussement gentillet à cause de la mélodie qui pourrait sembler niaise, tout comme le texte parlant d'une fille aimant les sucettes à l'anis. Je vous laisse regarder la vidéo pour vous rendre compte de ce que je dis :





















France Gall Gainsbourg Les Sucettes di bisonravi1987


    France Gall a 19 ans lorsqu'elle interprète "Les sucettes", que Gainsbourg a écrit pour elle.  Jeune, fraîche, pas une mèche de travers avec une voix cristalline, France Gall est le portrait de la petite fille modèle, pure. Ce n'est donc pas un hasard si Gainsbourg lui écrit une chanson de ce genre. Cependant, rappelez-vous, la constante de Gainsbourg c'est la provocation. Alors que France chante, ingénue, "Les sucettes", elle décrit en même temps une fellation. J'ai spécialement choisi cette vidéo car elle met en évidence que c'est bien Gainsbourg qui mène le jeu et France, sans le savoir, l'accompagne, justement parce qu'elle est ingénue. C'est bien Gainsbourg qui mène la danse, tout cela grâce à sa gestuelle et surtout son regard : il a les yeux rivés sur elle. Je vous prie de prêter attention au regard qu'il lui jette à la 49ème seconde et surtout à son sourire en coin, que je traduirais par : "si tu savais ce que je suis en train de te faire chanter ma petite..." (je pense qu'il devait quand même rire à gorge déployée intérieurement).

   Voilà à mon avis où réside le génie de Gainsbourg : dans la subtilité de ses textes, qu'ils aient un caractère polémique ou non. Pour quelqu'un qui considérait la chanson comme un art mineur par rapport à la poésie, je trouve qu'il mérite sa place au Parnasse, lieu sacré des poètes. J'exagère sûrement en disant cela, à y repenser j'exagère tout court, mais la poésie quelque soit la langue reste un genre difficile car elle n'est ni chantée ni parlée mais récitée. Sa particularité réside par conséquent dans le rythme et les sonorités tout comme la chanson. Or Gainsbourg, outre être un admirateur de poètes tels que Paul Verlaine, Guillaume Apollinaire ou encore Charles Baudelaire, était un excellent artiste car attentif à la forme poétique de ses chansons. Je pense que c'est aussi ce qui peut expliquer son succès hors de France, même en ne comprenant pas le français, un étranger peut repérer les sonorités et le rythme dans les chansons de Gainsbourg.

Shug'A'Very
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1 commentaire:

  1. J'aime beaucoup ce sujet sur Gainsbourg. J'ai une préférence pour ces textes des années 50 et début 60 avec leurs rythmes jazzy.

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